La (dis)qualification de la critique au temps de la transition agroécologique
Yannick Sencébé
Agribashing est une expression virale apparue en France pour (dis)qualifier les critiques adressées à l’agriculture en les regroupant sous un même vocable, et sous une même intention : bashing signifiant dénigrement. Pour le principal promoteur de la notion, la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), il s’agit de dénoncer une tentative de dénigrement généralisé du monde agricole, qui proviendrait autant des associations environnementales, que des pouvoirs publics ou encore des consommateurs. L’agriculture et les agriculteurs seraient la cible de multiples attaques : critiques, saccages de matériel, invasions dans les fermes par des activistes anti-élevages, fauchage de champs par des militants anti-OGM, mais aussi vandalismes ou vols de tracteurs sont ainsi mêlés et évoqués dans les discours syndicaux et comptabilisés avec une précision horlogère suisse par le ministère de l’Intérieur qui fait état sur son site de « 15 000 faits en 2019, soit 2 par heure ». D’après le Président de la République, jugeant « inacceptables » ces attaques, le pays serait saisi d’une « drôle de mode ou en tout cas d’un drôle d’état d’esprit qui a consisté à pointer du doigt, voire à stigmatiser nos agriculteurs en disant qu’ils étaient les ennemis du bien-être animal, les ennemis de la bonne alimentation », alors même que « nous avons l’une des agricultures les plus exigeantes » [1].
Pourtant, la réconciliation semblait en marche depuis le lancement par le ministère de l’Agriculture en 2012 du projet agroécologique pour la France : « agricultures, produisons autrement ». Ce projet, avec la transition agro-écologique pour objectif national, consiste « à faire progresser simultanément la performance économique, la performance environnementale et la qualité sociale des systèmes de production pour les agriculteurs comme pour la société. Il vise ainsi à produire autrement en repensant nos systèmes de production ». L’idée de transition telle que portée par ce projet intègre une stratégie et une vision politique du changement : il s’agit de ne pas opposer les modèles en présence, de considérer que chaque ferme, chaque agriculteur, chaque système de culture ou d’élevage peut progresser vers un modèle plus vertueux, en respectant les trois piliers du développement durable. Il s’agit ainsi de réconcilier l’agriculture et la nature sans se froisser avec l’économie et la performance, car il faut aussi nourrir les humains toujours plus nombreux. Ce programme, intégrant un plan national d’alimentation, promet également de réconcilier les agriculteurs avec la société en attente de produits plus sains et locaux et d’une agriculture respectueuse de son environnement. Enfin, le « produire autrement » doit permettre aux acteurs de l’agriculture (producteurs, acteurs des agro-industries) de se réconcilier entre eux, chacun pouvant s’inscrire dans la marche vers le progrès agro-écologique, au-delà des antagonismes de modèles, des oppositions entre techniques et entre conceptions politiques de l’agriculture. C’est ainsi que le ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, déclarait le 20 février 2015 : « Nous n’en sommes plus à nous féliciter des résultats de ceux qui étaient les “pionniers” de l’agro-écologie, nous sommes en train de construire les voies d’une généralisation de ces pratiques et de préparer son déploiement et son appropriation par chacun ».
La transition agro-écologique dans son versant officiel suppose donc une vision pacifiée de la coexistence des modèles agricoles. Or cette perspective dépolitisante, plutôt que dépolitisée, est loin d’être neutre. En effet « plaider pour la coexistence des modèles agricoles est politiquement commode » car « refuser de choisir, c’est choisir le plus fort » comme en témoignent les inégalités d’accès au foncier et aux aides publiques de l’Europe, où s’est propagée également cette vulgate de la transition pacifique (Kroll J-C., 2013, p. 18). Sans surprise, cet œcuménisme agraire a ouvert la voie à la récupération de la transition agro-écologique. Les acteurs de l’agro-industrie proposent aujourd’hui des packagings durables et des aliments « santé » toujours aussi transformés. L’agroéquipement voit dans l’agriculture numérique de très beaux marchés en perspective tant au niveau des ventes de robotiques et autres drones qu’en matière d’appropriation et de marchandisation des données produites par les agriculteurs (les big data). Tous les tenants d’une version productiviste et technologisante de l’agriculture s’engagent dans la transition avec les « algorithmes au service de l’agro-écologie » tel que les promeut Michel Griffon, président de l’Association internationale pour une Agriculture écologiquement intensive, sur le site du ministère de l’Agriculture [2]. Agriculture verticale ou hydroponique, agriculture de précision voire « agriculture augmentée » en sont quelques-unes des déclinaisons qui invitent à douter du devenir de la transition agroécologique au temps de l’A-green-washing. Ce que nous nommons A-green-washing consiste à verdir, sans en changer le système, un modèle d’agriculture qui reste intensive en capital et en chimie, exportatrice et dépendante des industries d’amont et d’aval.
Agribashing et A-green-washing entretiennent des liens étroits. A-green-wasching : voilà pourquoi la réconciliation n’a pas eu lieu. Ni avec la société qui continue à critiquer ce modèle faussement vert. Ni avec la nature qui continue d’envoyer ses signaux d’alerte aux habitants d’une terre dégradée et réchauffée et à ceux qui s’empoisonnent en la cultivant mal [3]. Ni entre les acteurs de l’agriculture car les modèles et les conceptions politiques de l’agriculture restent inconciliables et leur coexistence, loin d’être pacifique, se traduit sur le terrain par des rapports de force et la poursuite de l’accaparement des terres, des ressources et des aides publiques par l’agriculture industrielle.
L’agribashing n’est pas saisissable à travers la recension des fauteurs de trouble qui en seraient à l’origine mais dans les intentions de ceux qui le font exister par la constitution et l’instrumentalisation d’un narratif du dénigrement généralisé de l’agriculture et par des dispositifs d’enrôlement des pouvoirs publics et de mobilisation syndicale des producteurs. On peut alors considérer que la création de ce dispositif narratif et politique est un contre-feu, réactionnaire, opéré par les acteurs de l’a-green-washing pour stigmatiser les attaques dirigées à l’encontre de ce modèle. On pourrait rétorquer que ce sont plutôt les mouvements critiques qui sont des contre-feu (Bourdieu, 1998) à l’incendie climatique, écologique et social déclenché par le modèle agro-industriel encore très largement dominant. Mais en renversant la perspective, avec l’idée que l’usage stratégique de l’agribashing est une défense de la citadelle productiviste, assiégée et affaiblie, il s’agit de prendre toute la mesure des fissures qui lézardent ses piliers [4] et des brèches ouvertes par les multiples alternatives paysannes qui se développent en rhizome à travers les campagnes du monde, sous la figure des « néo-paysans » (D’Allens et Leclair, 2016), ou d’une paysannerie qui résiste (Pérez-Victoria, 2017). En ce sens, le contre-feu de l’agribashing contribue au brouillage des enjeux de la transition agroécologique. Son usage stratégique met au centre d’une double médiatisation des agriculteurs déjà en difficulté, ce qui alimente les crispations et replis plutôt que de favoriser les engagements et changements vers l’agroécologie. D’un coté, certains représentants syndicaux instrumentalisent le désarroi des agriculteurs pour focaliser l’attention sur le dénigrement dont ils seraient la cible, détournant ainsi leur regard des limites du modèle productiviste auquel ils sont attachés par une série de chaines techniques, économiques et professionnelles. De l’autre côté, des organisations militantes, en prenant pour témoin l’opinion publique, parviennent à mettre à l’agenda politique et médiatique les problématiques environnementales, mais au risque d’accroitre le malaise parmi la profession [5]. Ce narratif du dénigrement est au final une forme contemporaine de pollution de la parole qui a de puissants effets performatifs. Il impose dans le même mouvement l’idée d’une violence de la stigmatisation (lynchage) et l’urgence d’une déstigmatisation, en ne donnant plus aucune prise à ceux qui veulent s’introduire dans ce qui est en cause que de participer à ce mouvement.
Pour étayer cette thèse, il nous faudra considérer le contexte qui a vu naitre la notion et les raisons qui ont amené certains acteurs à regrouper des actes divers sous un même vocable. Il nous faudra également analyser pourquoi cette notion est devenue virale, laissant à penser qu’elle renvoie à des difficultés réelles éprouvées par les agriculteurs. Il nous faudra enfin éclairer la raison pour laquelle l’agribashing a été pris avec le plus grand sérieux par le ministère de l’Intérieur, jusqu’à mettre en place une Cellule de veille et à faire passer sous le coup de la loi le droit – démocratique – de porter une critique vis-à-vis de l’agriculture [6].
Une expression virale sur un terreau fertile
Vraisemblablement lancée en 2016 par un twitte [7] du rédacteur en chef de la revue Agriculture et Environnement [8], la notion s’est répandue dans un contexte où de multiples crises avaient déjà secoué le monde agricole et l’opinion publique (la crise de la vache folle dans les années 1990 en a été la première) et alors que le modèle agricole dit « conventionnel » [9] se trouvait fortement remis en question.
La propagation de la notion a profité d’un terreau socio-historique favorable. Le terme est diffusé un an après que le CIRC [10] a classé le glyphosate comme cancérigène probable [11], déclenchant une série de controverses en France [12], et deux ans après le vote de la Loi d’Avenir pour l’Agriculture et l’Alimentation, avec comme nouveau référentiel la transition agro-écologique. En 2017, la notion fait florès lors du Salon de l’agriculture alors que les États Généraux de l’Alimentation sont lancés par la présidence de la République, avec deux grands chantiers épineux : la création et la répartition de la valeur au sein des filières, et l’alimentation saine, sûre, durable et accessible à tous. Autant dire que ces deux sujets sont effectivement à l’état de chantier et qu’entre les acteurs des agro-industries, les agriculteurs et leur représentants syndicaux, dans leur diversité, sans oublier les associations représentant les consommateurs, l’environnement et la santé, tout convoqués à ces États Généraux, les positions sont loin d’être alignées. La loi EGalim a été votée en 2018, mais ses objectifs – déjà passablement rabotés par rapport aux demandes des associations participant aux États généraux – semblent encore loin d’être réalisés. La plateforme citoyenne pour une transition agricole et alimentaire [13] qui en a fait le bilan en 2020 dénonçait en effet « une loi pour rien » [14] au vu des moyens effectifs engagés par les pouvoirs publics pour rendre opérationnelle cette transition. Les pressions exercées par les secteurs agro-industriels et les cris d’alerte des agriculteurs patiemment orchestrés à travers la dénonciation de l’agribashing n’ont sans doute pas été sans effet sur le relâchement de la transition [15] voire son recul, avec entre autres, la ré-autorisation de l’usage des néonicotinoïdes par le Parlement.
Les deux centrales syndicales dites « majoritaires », la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles) en premier lieu et les JA (Jeunes agriculteurs) dans son sillage, ont en effet contribué à populariser le terme en le reprenant comme ferment de mobilisation lors d’une série de manifestations en octobre 2019, où le slogan « Stop Agribashing » côtoyait le hashtag « #Sauvetonpaysan ». La presse agricole et régionale s’en est faite largement l’écho [16] : « 10 000 agriculteurs ont poussé un cri de détresse sur les routes de France, le 8 octobre [2019] afin d’interpeller le Président de la République et son gouvernement » [17] revendiquent ainsi les deux centrales organisatrices, qui ont le secret des mobilisations spectaculaires. Les raisons de la colère sont nombreuses et diverses, et assumées comme telles par les organisateurs dans le même communiqué : « stigmatisation permanente, distorsion de concurrence insurmontables, accords commerciaux déloyaux, revenus en berne » [18]. Le dénigrement, dont l’agribashing est le nom, ne concerne donc qu’une des causes de ce ras le bol, au côté des Accords de libre-échange (CETA, Merco-Sur) ou de la concurrence internationale. Pour d’autres centrales syndicales, comme la Confédération paysanne, le recours à ce terme masque les vrais problèmes, comme la faiblesse des revenus, la captation de la valeur ajoutée par les industries agro-alimentaires, ou la concentration des structures. Selon ce point de vue, la remise en cause de l’actuelle politique agricole et alimentaire dominante ne relève pas de l’agribashing, mais d’« une urgence sociale, économique et écologique » (Confédération paysanne de Touraine, 24/01/2020).
Mais c’est le terme qui revient en premier dans la bouche des manifestants affiliés aux deux syndicats dominants : « On va manifester contre l’agribashing, contre le dénigrement de l’agriculture un peu partout et par tout le monde, les arrêtés anti-pesticides et les menaces sur le GNR » [19] déclare un viticulteur de l’Aude, et « quand on voit tout ce qui est dit sur les réseaux sociaux comme quoi c’est nous les pollueurs, c’est incompréhensible » [20] s’exclame un jeune agriculteur de l’Aude. La question environnementale semble représenter une grande part dans le vécu de l’agribashing et renvoyer à un sentiment de manque de reconnaissance face aux efforts déjà consentis et d’injustice face aux nouvelles contraintes : qu’il s’agisse de la loi introduisant une « zone de non-traitement » (ZNT) aux abords des habitations ou des normes réglementaires en matière d’usage des phytosanitaires qui sont vécues par ces manifestants comme « beaucoup plus sévères que dans d’autres pays ».
Désamour ou verrouillage sociotechnique ?
Pourtant, l’édition 2019 du baromètre des agricultures, réalisée par l’IFOP, et largement reprise par la presse [21], montre que la confiance vis-à-vis des agriculteurs est très élevée (74 % estimant que les consommateurs peuvent avoir confiance en leurs agriculteurs), et progresse par rapport à l’édition précédente. Alors, d’où provient ce désamour si médiatisé entre consommateurs et producteurs : s’agirait-il d’un malentendu ?
Si l’on entre d’un peu plus près dans la diversité des expressions des manifestants, apparaissent d’autres messages qui en appellent à la confiance dans leur capacité à évoluer vers des pratiques plus durables, laissant entrevoir une prise de conscience des limites du modèle actuel mais aussi une peur et une difficulté à en changer. C’est une agricultrice, jeune et éleveuse d’ovins, qui l’exprime en ces termes : « Nous aussi on est sensible à la biodiversité. On a compris que l’abus de certaines pratiques dans le passé n’était pas forcément bon pour le sol, les plantes et notre santé […] Mais a un moment, il va falloir que les gens nous fasse confiance. On a besoin de reconnaissance. » [22].
La colère des agriculteurs, réelle et légitime, n’est-elle pas aussi le moyen d’éviter de perdre la face et l’estime de soi face à l’impossibilité ou à la difficulté de faire autrement ? Les verrouillages sociotechniques (Lamine, 2012) sont des mécanismes puissants qui inhibent toute possibilité de changement pour une bonne partie des agriculteurs : la peur des champs « pas propres » offerts au regard des pairs, l’influence des techniciens des coopératives qui s’attachent la fidélité des agriculteurs en leur vendant du conseil en même temps que des intrants (Goulet et Le Velly, 2013), les critères d’évaluation de performance et de viabilité économique des centres de gestion qui maitrisent leur comptabilité, mais aussi le paquet technologique – semences sélectionnées et hybride nécessitant engrais et pesticides, rotation simplifiée propice à l’invasion des maladies et à l’appauvrissement du sol –, la spécialisation dans la « production végétale ou animale » qui expose davantage aux aléas climatiques ou sanitaires. Ce système aussi peu durable soit-il s’auto-reproduit. Changez un seul ingrédient et c’est l’ensemble du système d’exploitation qui s’écroule.
À cet égard les termes employés par le ministère de l’agriculture montrent la puissance de ces verrous. Il est en effet question d’aider l’agriculture à sortir de sa dépendance au pesticide dans le bulletin, publié le 20 janvier 2020, suite au Comité stratégique et de suivi du plan ÉcoPhyto 2 (lancé en 2015). Ce second plan de réduction des pesticides, après l’échec du premier (lancé en 2008), n’atteint toujours pas les objectifs fixés (réduction de moitié d’ici 2025). Au contraire même, les ministères de l’Agriculture, de l’Environnement et de la Santé sont obligés de prendre acte de l’augmentation de 21 % des ventes de pesticide entre 2017 et 2018 pour atteindre 85 876 tonnes. L’Union des industries de la protection des plantes (UIPP), qui rassemble les principaux fabricants de pesticides [23] dans l’Hexagone, est d’ailleurs récemment montée au créneau. Contre l’interdiction à l’horizon 2025 de produire en France des produits interdits dans le reste de l’UE (comme l’atrazine [24]), elle a rappelé que 4 000 emplois en dépendraient directement, en jugeant par ailleurs cette mesure sans bénéfice pour l’environnement ou la santé.
Agribashing : un mot qui cache les véritables maux
La diffusion du terme agribashing est révélatrice des tensions qui marquent les mondes agricoles. Il ne fait pas de doute que la profession agricole traverse des crises à répétitions, et que des critiques s’élèvent à l’encontre de la malbouffe ou des dégâts environnementaux générés par le productivisme. Mais il ne fait pas plus de doute non plus qu’un agriculteur se suicide tous les trois jours en France face à l’endettement, l’isolement, la surcharge de travail ou la perte de sens d’un métier sur-encadré et intégré aux chaines de valeur de l’agro-industrie (Damaisin, 2020 ; Deffontaines, 2017). Plutôt que de focaliser l’attention sur l’agribashing, n’est-il pas plus urgent de se pencher sur les causes qui expliquent, bien avant l’invention de ce terme, les difficultés structurelles que traverse la profession ? Ces causes renvoient aux modalités de la modernisation agricole par lesquelles les sociétés paysannes ont été démantelées pour que soit intégrés à des logiques capitalistes et sectorielles des exploitants isolés, exposés à la concurrence mondiale et tiraillés entre des exigences contradictoires (Spoljar, 2015).
Il ne s’agit donc nullement ici de nier ou de relativiser les difficultés que traversent une bonne partie des agriculteurs mais au contraire de les resituer dans une histoire. Il ne s’agit pas non plus de sous-estimer la distance sociale et/ou géographique entre consommateurs et ceux qui sont chargés de les nourrir, avec des contraintes réglementaires, sanitaires, économiques, agronomiques et climatiques toujours plus complexe, ce qui peut accroitre les incompréhensions, les attentes hors de portée ou les critiques démesurées. Mais l’ignorance des « urbains » ou « des consommateurs » vis-à-vis de la « réalité agricole ou rurale » est-elle un constat généralisable ? Les associations de consommateurs, de défense de l’environnement s’attaquent-elles aux producteurs ou aux conditions et modèles actuels de la production ? Et, en sur-jouant dans les discours sur la distance, l’ignorance voire la méfiance des consommateurs (que le succès des Amaps, des marchés de producteurs, et de l’accueil à la ferme dément) ne s’agit-il pas de détourner l’attention ailleurs que sur l’origine des problèmes que traverse le monde agricole ? En posant en « victime » les agriculteurs qui éprouvent eux-mêmes les failles et les impasses du système productiviste, l’agribashing n’empêche-t-il pas en fait tout dialogue entre ces producteurs et le reste de la société, détournant ainsi les termes du débat et masquant les réels problèmes ?
En effet, alors même que bon nombre des maux dont souffrent les agriculteurs proviennent des limites du modèle productiviste, ses promoteurs et artisans se présentent aujourd’hui comme des remparts, capables d’unir et de défendre, mais aussi d’isoler les producteurs, contre ceux qui en réalité ne sont pas les responsables de ce modèle mais ses opposants. Les « écolos » qui sont ainsi mis dans le même paquet que la concurrence internationale, ou les consommateurs réputés ignorants, incohérents dans leurs demandes sont-ils les ennemis d’une agriculture durable, vivable et viable pour les producteurs ou d’une agriculture chimiquement intensive et socialement intenable ?
Le Paysan est mort, vive le paysan. Récupération d’une figure
Si la notion d’agribashing a fait mouche parmi les agriculteurs c’est aussi que le sentiment d’être dénigré par le reste de la société s’inscrit dans une longue histoire. La figure du paysan a en effet fonctionné comme repoussoir ou bouc émissaire à diverses périodes (Bitoum et Dupont, 2016). Au 19e siècle lorsque les chimistes s’emparent de la science agronomique et le capitalisme, des marchés agricoles, l’arriération des paysans engoncés dans leur glèbe et leur ignorance devient le support de moqueries et le prétexte à leur encadrement par les notables. À la Libération, le paysan, accusé d’avoir été « collabo » sous le régime de Vichy, devient le bouc émissaire d’une France gaulliste qui veut oublier la défaite et reconstruire sa grandeur. Dans le même temps, accusé d’avoir profité du marché noir sous l’occupation, il est réquisitionné pour s’engager dans l’effort productif en devant assumer la situation de pénurie alimentaire d’un pays à peine sortie de guerre. Dans les années 1960, le programme de modernisation s’attache à éliminer ce paysan, empêtré dans la routine et résistant au changement, pour le remplacer par « l’agriculteur professionnel modernisé et productif ». Mais, renversement étonnant et ironie de l’histoire, l’agribashing tout en jouant sur cette mémoire collective du dénigrement en détourne la figure cible. Ce sont les agriculteurs modernisés qui sont pris pour cible tandis que le paysan change de camp et se trouve réapproprié comme figure positive par le reste de la société. L’agriculture moderne, standardisée et intégrée à des filières verticales et des marchés lointains devient le problème tandis que l’agriculture paysanne, ancrée dans des territoires et appuyée sur des savoirs locaux, une source d’inspiration et de solutions (Deléage, 2012). Même dans les manifestations de la FNSEA – qui a bien compris cette inversion –, lorsqu’il s’agit de défendre l’agriculture industrielle et son modèle de chef d’exploitation modernisé, c’est sous la bannière « sauvetonpaysan » qu’elle interpelle ainsi l’opinion : « France veux-tu encore de tes paysans ? » [25]. Cette récupération du terme de « paysan » renvoie à l’un des ressorts qui ont permis à ce syndicat de maintenir sa place hégémonique sinon dominante dans les instances de pouvoir : l’entretien d’une fiction de l’unité de la profession. Hier tous agriculteurs modernisés, aujourd’hui tous paysans, la FNSEA cherche toujours à apparaitre comme le syndicat majoritaire de « la » profession même et surtout si son monopole semble vaciller.
Notons à cet égard que la dénonciation de l’agribashing par les promoteurs de la révolution verte se fait concomitamment à une nouvelle vague autrement verte : la conversion à la bio de nombreux agriculteurs [26], les tentatives de sortir des impasses agronomiques et économiques de l’hyperspécialisation par la diversification des ateliers, l’intégration d’activités de transformation et de vente directe ou en circuit court, sans oublier les nombreux candidats à l’installation, non issus du milieu agricole (NIMA) [27], porteurs de projets alternatifs sur des activités agri-rurales qui contribuent, sur les parcelles qu’on veut bien leur laisser, à réinventer un genre de vie paysanne.
Un nouvel agrarisme au temps de la transition agro-écologique ?
Aujourd’hui, le mouvement de ralliement « contre l’agribashing » et la force syndicale qui l’organise et le canalise s’inscrit dans un contexte précis : la consolidation et la diffusion de modèles alternatifs au modèle productiviste. Cet usage stratégique du mot « agribashing » est donc une tentative de verrouillage d’une transition réellement agro-écologique [28]. En cette période marquée par l’éclatement des modèles professionnels, le fondement corporatiste du syndicalisme majoritaire réapparait et se dresse contre le risque de voir se diversifier et s’autonomiser les manières d’être et de faire dans l’agriculture.
Contre les méfaits de l’agro-industrie et de l’agriculture intensive en chimie, des critiques grandissent un peu partout dans le monde (en référence à la crise climatique, à l’effondrement de la biodiversité, aux enjeux de souveraineté alimentaire et de défense des petites paysanneries), et des résistances se renforcent, portées par les paysans eux-mêmes à travers la Via Campesina [29], par des mouvements écologistes, emmenées par des femmes ou par les peuples autochtones. Mais seul en France, ces critiques ont donné lieu à l’invention d’un terme spécifique qui les disqualifie en même temps qu’il les désigne. Ce n’est sans doute pas sans lien avec l’histoire particulière reliant les agriculteurs à la politique à travers la mise en place d’une profession encadrée par l’État et de la co-gestion des politiques publiques qui lui sont destinées.
Le terme agribashing semble fonctionner comme un point de ralliement de multiples colères individuelles et collectives (Mer, 2018), et tient lieu de mot d’ordre pour se rassembler dans la défense d’une profession qui semble aux abois. C’est en ce sens que l’on peut rapprocher l’usage stratégique de la notion, d’une forme d’agrarisme au temps de la transition agro-écologique.
L’agrarisme est un mouvement de défense de la paysannerie qui s’est développé au 19e siècle, dans un contexte marqué par des crises agricoles (liées à l’effondrement des prix et à la concurrence internationale) et par l’exode rural. Emmené par les élites bourgeoises et aristocratiques qui se disputent alors l’encadrement des masses paysannes, ce mouvement entend promouvoir la nécessité d’un développement spécifique au monde rural (Cornu et Mayaud, 2007). S’il s’agissait alors de défendre contre la modernité, la paysannerie, détentrice de valeurs et d’un mode de vie « préservé » (Aphandéry, 2001), l’enjeu est plutôt aujourd’hui de préserver la marche de la modernisation agricole, tout en revendiquant la juste rémunération et considération dues aux efforts consentis sur l’autel du productivisme. Ce qui nous parait semblable dans le mouvement actuel de réaction contre l’agribashing est le caractère prétendument interclassiste que d’après Pierre Barral (1968) ce mouvement embarquait dernière la bannière d’une paysannerie unie. Autrement dit, lorsque le syndicalisme dominant actuel en appelle à l’unité et à une « juste » colère du monde agricole affublé dans son ensemble de tous les maux et ployant sous le même poids des contraintes exagérées de l’Europe, des écologistes et des consommateurs, il agit pour recréer sinon les possibilités, du moins l’illusion, de l’unité d’un monde socio-professionnel, pourtant éminemment hétérogène dans ses pratiques, ses conditions de vie, ses orientations idéologiques et ses aspirations. L’appel à l’unité paysanne est en effet une constante de l’agrarisme qui va irriguer la Corporation nationale paysanne, créée en 1940 par le régime de Vichy dans le cadre de la Révolution nationale, laquelle devait laver les affronts de la défaite et remettre la France dans l’ordre du travail avec la fierté d’une patrie de paysans. Ce syndicat corporatif unique et centralisé, doté d’attributions réglementaires, détient des pouvoirs de contrôle sur toutes les autres organisations économiques (de crédit, mutuelliste, coopérative) (Cordellier et Le Guen, 2008). Il va réaliser le vieux rêve agrarien de l’unité et être le protégé de Pétain qui y voyait l’instrument d’un retour à la terre « qui ne ment pas ». La libération ne suffira pas à faire disparaitre tous les éléments corporatistes du paysage agricole français. La Confédération générale de l’agriculture (CGA), nait dans la résistance sous l’impulsion de Tanguy-Prigent, paysan breton socialiste qui deviendra ministre de l’Agriculture sous De Gaulle. Animée par d’anciens militants agraire de gauche, la CGA doit regrouper l’ensemble des forces vives agricoles, hormis les grands propriétaires et les traitres (Cordellier et Le Guen, op. cit.). La création de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants en 1946 répondait à cet espoir mais les élections professionnelles qui suivront en 1949 remettront en selle les anciens dirigeants de la Corporation paysanne, qui n’auront de cesse de vider de sa substance la CGA et d’organiser le monopole sur toutes les instances de la profession. Les conseils d’administration des diverses structures (de crédit, de mutualité, les organisations économiques par produit, etc.) et bien sûr les Chambres d’agriculture et leur Assemblée permanente (APCA) seront ainsi trustés par le nouveau syndicat fort qui va régner de 1960 à aujourd’hui et participer à une spécificité française : la co-gestion. Ce dispositif propre à la France avait pour principe et condition « l’affirmation et la préservation de l’unité paysanne » (Hervieu et Purseigle, 2013, p. 196), ce qui représentait pour le gouvernement gaulliste l’assurance d’un interlocuteur unique – la FNSEA – représentant d’un seul modèle de développement agricole, et ce qui assurait du même coup à la centrale un accès privilégié aux arcanes du pouvoir. Ainsi, les politiques publiques agricoles françaises et la transposition nationale de la PAC (autrement dit l’attribution des aides) découleront des discussions mensuelles entre le ministre de l’Agriculture et le président de la FNSEA.
La modernisation agricole et son modèle productiviste vont donc être mis en place dans le cadre de cette co-gestion et feront relativement consensus durant des années. Mais ce modèle, s’il est réputé avoir permis d’augmenter considérablement les rendements et la production, montre aujourd’hui ses limites. Le paquet technologique de cette « révolution verte » a transformé les paysans en simples maillons d’une chaine agro-industrielle capable de collecter, transformer et distribuer ses produits à grande échelle. La concentration des structures a jeté sur les routes de l’exode des milliers de paysans [30]. Cette main d’œuvre, devenue inutile, a pu trouver à s’employer dans l’industrie. Et c’est bien là le coup de force des politiques nationales qui sont parvenues à transformer une bonne partie des paysans en ouvriers, et à concentrer l’effort nécessaire pour assurer l’alimentation du pays sur 1 % seulement de la population [31]. S’il fallait des bras pour l’industrie, il lui fallait aussi des consommateurs, détachés des savoirs paysans, de l’autonomie et conformés à la vie urbaine du « prêt à cuire ». La production à grande échelle et à bas coût a permis ainsi que le budget des ménages se reporte sur d’autres biens que le pain quotidien, engageant ainsi vers la voie heureuse d’une société de consommation. « Du pain bon marché et pour tous » selon le « productivisme démocratique » de l’après-guerre a constitué le compromis permettant de faire accepter la modernisation de l’agriculture, les efforts consentis et la fin d’une paysannerie nombreuse (Alphandery et Sencébé, 2009). La centrifugeuse agraire, sélectionnant à chaque génération les plus modernisables, a fonctionné sur la collaboration, forcée, douloureuse et silencieuse, de ceux qui restaient pour s’agrandir sur les terres de ceux qui partaient. Parmi l’arsenal des lois de modernisation de 1960-1962 [32], l’Indemnité viagère de départ (IVD) fut une mesure « humaniste » pour favoriser le passage de la terre des mains des pères, nés paysans, vers celles des fils, devenus agriculteurs. De même, les SAFER, mises en place de façon décentralisée par ces mêmes lois, ont dû s’assurer la collaboration du milieu dont elles avaient à organiser la transformation, du point de vue de la propriété foncière (Sencébé, 2012). C’est ainsi la FNSEA et le CNJA (Centre national des jeunes agriculteurs) qui en animeront les instances, et le travail méticuleux sur le foncier – qui vend, à quel prix, qui peux acheter et qui peut s’installer ? – va s’opérer grâce au maillage du territoire à l’aide de « délégués Safer » recrutés au sein des villages, parmi les agriculteurs eux même affiliés à ces syndicats.
On comprend mieux alors pourquoi il est encore difficile de revenir sur cette collaboration, lorsque à la tête d’une exploitation de 200 ha, patiemment acquise ou héritée, on se retrouve isolé, endetté et accusé d’avoir pollué, ou vidé les campagnes, alors qu’on pensait avoir suivi la marche du progrès.
On naissait paysan, il faudra à présent devenir agriculteur. L’exercice du métier est encadré et tout prétendant doit répondre à un certain nombre de normes pour accéder au statut, aux aides, notamment la fameuse Dotation jeune agriculteur (DJA). Formation, surface minimale d’installation, parcours et projet d’installation conforme aux critères de viabilité, seront les nouvelles clés d’entrée de ce métier très surveillé. Ainsi le syndicalisme majoritaire qui va parvenir à s’imposer comme interlocuteur légitime et unique pour co-décider des lois et dispositifs encadrant tout ce qui touche à l’activité agricole a mis en pratique de façon très corporatiste ce que signifie sociologiquement la mise en place d’une profession : « Un métier [au sens de profession] existe lorsqu’un groupe de gens s’est fait reconnaître la licence exclusive d’exercer certaines activités en échange d’argent, de biens ou de services. Ceux qui disposent de cette licence, s’ils ont le sens de la solidarité et de leur propre position, revendiquent un mandat pour définir les comportements que devraient adopter les autres personnes à l’égard de tout ce qui touche à leur travail. » (Hughes, 1996, p .99-100).
Cette licence et ce mandat, institutionnalisés par l’État, vont laisser des traces et éclairent sous un autre jour les réactions de « la profession » à tout ce qu’elle a considéré comme remise en question de son pré-carré. Ainsi en est-il depuis longtemps de la définition même du titre d’agriculteur dont l’enjeu est de contrôler qui peut avoir accès aux aides conséquentes (à l’installation, à la production) sur lesquelles veille jalousement le syndicalisme majoritaire. Dans les années 1980, une nouvelle catégorie « d’agriculture professionnelle » fut ainsi définie dans la statistique officielle, sous l’influence de ce syndicalisme, pour mieux qualifier « la population-cible de la politique agricole » (Rémy, 1987, p. 417). Alors que le modèle hégémonique de l’exploitation familiale moderne à 2 Unités de Travail Humain (UTH) subissait les assauts de nouveaux prétendants au métier (pluri-actifs, petites exploitations multifonctionnelles, entrepreneurs ruraux), il s’agissait d’exclure du périmètre des aides, tout ceux qui ne répondaient pas aux normes (de taille, de formation et de temps de travail) des lois de modernisation de 1960-1962 qui ont gravé dans le marbre la physionomie de l’exploitation « viable et rentable ». Quelques décennies plus tard, alors que se discutait la loi d’avenir pour l’agriculture de 2014, le lobbying intense de la FNSEA est parvenu à faire adopter un amendement instaurant un registre des actifs agricoles, redonnant ainsi « corps à un vieux rêve, celui de la corporation paysanne fondée sous Vichy » (Rémy, 2014, p. 10). On mesure l’influence de ce syndicalisme majoritaire au sein du parlement et du gouvernement, le ministère de l’agriculture n’étant pas parvenu à faire passer le compromis prévoyant de confier à la MSA la gestion de ce registre. Celui-ci sera confié finalement à l’APCA (Assemblée permanente des chambres d’agriculture), organe maitrisé par la FNSEA.
Pourtant l’édifice corporatiste d’un monde agricole unifié, gérant en bon père de famille des campagnes support de la production agricole et vidées de leur diversité par 40 ans de modernisation, commence à craquer sous le coup du retournement démographique de l’exode, désormais urbain. Les campagnes redevenue attractivités et plurielles, et l’agriculture qui reste « majoritaire en surface » dans cet espace convoité, sont alors saisies de nouvelles attentes, de nouveaux usages et d’une remise en question des anciennes pratiques. Ce que certains sociologues interpréteront en termes de « publicisation de la campagne » soulignant, comme une intrusion nouvelle, « l’instauration d’un droit de regard de la société sur un espace qui ne lui appartient pas » (Hervieu et Viard, 1996). La thématique des conflits d’usages prend alors de l’ampleur dans les médias et la recherche. Mais faut-il rappeler que la période de spécialisation agricole des campagnes n’aura été qu’une courte parenthèse dans l’histoire des campagnes françaises ? Celle-ci prend naissance dans les années 1950 avec le grand lessivage du surplus de bras devenus inutiles à l’exploitation mécanisée et agrandie, et prend fin dans les années 1980, avec la croissance d’un exode urbain, ramenant la diversité sociodémographique et d’activités que les collectivités paysannes avaient connues (Alphandery et al., 2016). Ces arrivées massives se font, d’abord, à l’ombre des métropoles qui tentent de maintenir leur attractivité et d’élargir leur influence sur un espace rural support d’alimentation et de loisirs verts. Mais les migrations résidentielles s’étendent toujours plus loin des villes (Pistre, 2011) et, « changer de vie », créer son activité en lien avec l’agriculture et la ruralité, regagner une parcelle d’autonomie, en sont des moteurs puissants qui participent au renouveau agricole et rural. À cet égard, le fait que les installations s’effectuent aujourd’hui majoritairement hors cadre familial, et sans aucune aide publique tout en demeurant hors des radars des statistiques officielles n’est pas sans lien avec la résistance corporatiste à l’ouverture de la profession. Mais cette vague commence à déborder ses remparts, et de nombreux organismes alternatifs revendiquent une remise à plat de la DJA [33] pour que cette aide publique profite à tou-te-s celles et ceux qui participent au renouvellement des actifs et à une agriculture soutenable.
Dès lors, le désarroi d’une partie de la profession agricole n’est-il pas aussi lié au fait de se découvrir minoritaire dans un espace qu’elle avait jusque-là géré, maitrisé, exploité dans l’entre-soi ?
La disqualification de la critique en régime démocratique
Dans le menu du progrès, il semblerait que nous ayons mangé notre pain blanc et que la note écologique et sociale risque d’être très salée. Voilà en effet, que des critiques s’élèvent pour souligner que ce pain bon marché est chèrement acquis, puisque les agriculteurs vivent en partie des impôts qui leur sont redistribués via la PAC sous forme de subventions, sachant que les industries d’aval (transformateurs et distributeurs) captent la majeure partie de la valeur ajoutée au détriment des producteurs. Voilà aussi que d’autres rappellent que ce pain abondant ici manque ailleurs et que la mondialisation des échanges attise la concurrence entre paysanneries et agriculture subventionnée plutôt qu’elle ne résout le problème de la faim dans le monde. Et voilà également que les milieux écologistes dénoncent ce pain quotidien qui empoisonne les rivières, les sols et la biodiversité, sans oublier les agriculteurs et le reste des consommateurs. Et voilà enfin qu’on en vient à alerter sur ce pain ultra-transformé, responsable d’une épidémie d’obésité et de maladies chroniques. Comment alors faire taire ces critiques ?
S’opposer à la critique en régime démocratique est moins simple qu’en régime autoritaire : l’interdiction de toute manifestation contre l’ordre en place, la répression par la force des quelques récalcitrants restant, l’emprisonnement avec ou sans jugement expéditif des fauteurs de troubles critiques, ne sont plus dans les us et coutumes – quoi que ces derniers puissent évoluer – ni dans l’esprit des lois – quoique ces dernières puissent être réformées et « assouplies » en certains points si le contexte, sanitaire, terroriste ou autre, le commande.
Dans de tels régimes démocratiques, nonobstant quelques entailles justifiées par un état d’urgence, plus ou moins permanent, on ne peut théoriquement s’opposer par la force ou la loi à la critique. La disqualification de la critique est, en revanche, un exercice admis et répandu. L’usage stratégique de l’agribashing relève de cette méthode comme, avant lui, l’usage du terme NIMBY [34] avait fonctionné en rassemblant et disqualifiant – sous le seau infamant de l’égoïsme des intérêts individuels contre l’intérêt général et collectif – des oppositions de nature diverses à des projets d’aménagement. Le parallèle entre ces deux termes, chacun paré des atours scientifiques de l’anglicisme, nous semble fécond.
La notion de « NIMBY » est née dans les années 1970 aux États-Unis au sein des milieux aménageurs face aux résistances que leurs projets suscitent. L’accent est mis sur le fait qu’il s’agit d’opposition de riverains, propriétaires notamment, contre des projets d’aménagements ayant pour conséquence de déprécier leurs biens. Cette appellation s’avère bien commode pour les élus qui y trouvent les moyens de réaffirmer leur primat sur la définition de l’intérêt général, et pour les divers aménageurs pour démontrer la supériorité de leurs savoirs experts. Son usage stratégique – et sa dissémination rapide dans ces milieux mais aussi auprès des chercheurs – se donne à comprendre dans un contexte politique particulier, qui voit l’idéologie du progrès des 30 glorieuses s’essouffler et remise en question par des citoyens plus éclairés et moins dociles : « L’appellation de NIMBY vise à disqualifier les résistances qu’elle désigne : on l’emploie accolée à la notion de syndrome, de pathologisation elle-même symptomatique. Mais s’il faut les disqualifier c’est qu’elles sont moins faciles à vaincre : NIMBY est un grognement du pouvoir, surpris de devoir à nouveau gouverner les hommes, après avoir longtemps cru qu’il suffirait d’administrer les choses. » (Grelet, 2007, p. 33). Le parallèle apparait clairement entre les deux stratégies de disqualification, qu’il s’agisse d’un côté des réactions égoïstes, voire imbéciles, de citoyens inconséquents face aux aménagements dont ils espèrent les gains sans vouloir accepter les coûts ou nuisances, et de l’autre, des écologistes ignorants des contraintes de production, et des consommateurs incohérents qui exigent une nourriture saine et bon marché sans accepter d’en payer le prix ou les conséquences. Plus que d’un parallèle, il semble que les oppositions aux projets d’aménagement du territoire et les critiques adressées à l’agriculture intensive puissent se retrouver intimement liées, comme dans l’expérience de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes dont les occupants se sont opposés à un projet d’aéroport tout en mettant en place un projet agricole alternatif autour de la constitution et de la défense d’un commun.
Les critiques adressées au modèle productiviste, sont aujourd’hui vécues comme une remise en cause des savoirs et des techniques qui ont permis de remplir la mission nourricière confiée à la profession. La crise du covid fut l’occasion saisie par la FNSEA et les JA pour rappeler à la face du pays son mandat nourricier à travers le lancement d’une campagne de communication « Votre alimentation commence ici » prenant le relais des précédentes manifestions « Sauve ton paysan ». Le principe est simple : des banderoles disposées dans les champs rappellent cette évidence et un site renvoie sur différentes informations montrant l’importance d’une production nationale pour assurer l’autonomie alimentaire – le spectre de la pénurie étant revenu avec le virus – et même l’appui à la gestion sanitaire de la crise par la production de gel hydro-alcoolique grâce à la culture betteravière, celle-là même qui a bénéficié de la récente ré-autorisation de l’usage des néo-nicotinoïdes.
On reconnait là, le productivisme démocratique brandi comme étendard d’une mission d’intérêt général que la profession accomplirait, unie dans son effort en situation de crise. Si la campagne a débuté dans la Marne, département où prédomine l’agriculture céréalière intensive, le mot d’ordre s’est répandu peu à peu dans le pays. Les coopératives, telles que CERESIA, ont largement soutenu la campagne : « Rappelons à titre d’exemple qu’un hectare de blé permet de fabriquer 5,5 tonnes de farine soit 25 000 baguettes de pain. Les rayons vides dans les supermarchés ont récemment montré l’importance de ce produit dans l’alimentation française ! C’est aussi l’occasion d’interpeller les citoyens et les pouvoirs publics sur la nécessité de ne pas importer “l’alimentation que nous ne voulons pas”. » [35]
Il est intéressant de noter cet appel à la souveraineté alimentaire pour la France n’est pas réciproque, puisque si les grandes syndicales et les coopératives céréalières dénoncent les importations, elles n’évoquent pas les exportations massives de blé notamment. Mais la crise du covid semble avoir ré-ouvert l’horizon du productivisme et fermer la bouche de l’agribashing. Le président de la FDSEA de la Marne y trouve ainsi une ouverture pour positionner l’agriculture comme moteur du « monde d’après » : « L’agribashing s’est tu pendant trois mois, on a plus entendu personne, les gens – qui critiquaient – se sont bien rendus compte du travail des agriculteurs. Eux, n’étaient pas confinés, ils ont continué à travailler pour assurer cette souveraineté alimentaire » [36].
La cellule Demeter : la co-gestion et ses limites démocratique
La FNSEA, qui a cessé de rassembler la majorité des agriculteurs [37], continue d’avoir l’écoute des pouvoirs publics et se présente comme la principale force syndicale du monde agricole. C’est ainsi qu’en 2019 l’agribashing sera officiellement reconnu par l’État à travers la mise en place d’une Cellule de veille « Demeter » au sein du ministère de l’Intérieur et qu’une convention sera signée avec la centrale.
Cette cellule militaire, dont l’une des missions est de surveiller ceux qui émettent des critiques à l’égard de certains aspects du fonctionnement du monde agricole (« agribashing »), est présentée sans ambages sur le site du ministère de l’agriculture [38]. Celui-ci n’hésite pas à reprendre à son compte le terme Demeter, se plaçant sous le haut patronage de la Déesse grecque de l’agriculture, et sous les bons hospices de la marque « Demeter », principal organisme de certification de la biodynamie.
Le principe de disqualification des critiques par l’amalgame de toute une série d’actes sans commune mesure semble fonctionner ici aussi. Ainsi la Cellule entend sécuriser les exploitations contre les « vols et dégradations » mais aussi empêcher « les occupations illégales de terrain », qu’elles concernent les gens du voyage ou les free party, ou encore les intrusions dans les élevages (des militants animalistes) ou enfin les actions anti-chasse ou anti-fourrure. Cette liste à la Prévert pose déjà problème en ce qu’elle ramène sur le même plan pénalisable le droit des populations nomades et l’expression du droit de critique avec des actes crapuleux. Mais elle cache mal les intentions plus obscures du ministère. La mise en place de cette cellule relève d’un arrangement entre amis, pour contrer toute opposition en période difficile. Pour la FNSEA il s’agit de s’assurer d’un coup médiatique où elle peut une fois encore apparaitre comme le principal défenseur des intérêts du monde agricole. Pour le ministère, cette cellule de renseignement arrive à point nommé après le mouvement des gilets jaunes et à la veille de la réforme des retraites (la FNSEA s’étant prononcé pour cette réforme). Car il s’agit aussi, et peut-être principalement, de produire du renseignement sur certains milieux dit « activistes ». L’affaire a suscité un certain émoi dans les milieux de la recherche, notamment en sciences sociales, puisque cette cellule, nous explique le dossier de presse du ministère, n’a pas seulement vocation à poursuivre les actes de dégradation ou les vols, Demeter suivra et tentera d’empêcher « les actions de nature idéologique, qu’il s’agisse de simple action de nature symbolique de dénigrement du milieu agricole ou d’action dures ayant des répercussions matérielles ou physiques ». La cellule revêt donc un caractère inquiétant de police politique, et les précisions apportées par le ministre Castaner qui a demandé « que l’antispécisme soit un des axes prioritaires du renseignement » (Astier et Rimbert, 2020), montrent que la surveillance et la punition sont orientées sur certains milieux. Si les activistes antispécistes sont en première ligne, c’est l’ensemble des militants opposés à l’agriculture industrielle qui sont dans la ligne de mire potentielle de la Cellule. Les auteurs d’une tribune parue dans Reporterre (Alliance d’écologistes, de paysans, d’associations environnement et de médecins, 2020) énumèrent ainsi la longue liste de ceux qui peuvent être auteurs – et donc fauteurs – « d’actions symboliques » :
le mouvement des coquelicots qui demande l’arrêt des pesticides, soutenu par un million de citoyens. Les maires qui prennent des arrêtés contre ces poisons chimiques. Des dizaines de milliers de paysans qui ont déjà choisi l’agriculture biologique. Beaucoup d’autres, qui défendent le modèle de l’agriculture paysanne, contre ces projets délirants d’usines à vaches, à cochons ou à poulets. Et au total des centaines de milliers de citoyens engagés contre l’importation massive de soja transgénique et donc l’élevage industriel, contre la mort des oiseaux et des insectes, pour des rivières débarrassées de la pollution et des rivages sans algue verte, et enfin pour une alimentation de haute qualité.
Dans la poursuite de la co-gestion, jusque-là limitée à la production agricole, la centrale obtient des pouvoirs exorbitants puisqu’ils touchent à présent à l’information sur la sureté nationale. En effet, la FNSEA, les JA et la gendarmerie nationale ont signé une convention, le 13 décembre 2019, prévoyant l’échange régulier d’informations [39]. Est-ce normal et y a-t-il symétrie avec les autres syndicats ? L’avocate de l’association L214, en ligne de mire, s’interroge ainsi : « Cela m’étonne que la gendarmerie délivre des points de situation à la FNSEA et aux JA. C’est une mise à disposition de moyens et d’informations issues d’enquêtes pénales au service du syndicalisme majoritaire et intensif agricole » (Astier et Rimbert, 2020, p. 11). Cette surveillance du territoire s’appuie aussi sur la collaboration – une fois encore – des agriculteurs à travers les « observatoires de l’agribashing » mis en place par le ministère de l’agriculture en avril 2019. Les exploitants agricoles y sont invités à faire remonter certains actes et à porter plainte dès que possible. Les réunions organisées localement par les préfectures avec le concours des services de gendarmerie fonctionnent comme des amplificateurs : chacun pouvant y exposer des actes plus ou moins graves mais traités sur le même plan. Si on cherchait à alimenter le sentiment de dépréciation et la victimisation des agriculteurs dans leur ensemble, en les éloignant encore du reste de la société, on ne s’y prendrait pas autrement. S’agit-il de rejouer l’agrarisme du 19e siècle en isolant les agriculteurs du reste de la société, pour mieux s’en assurer l’encadrement et le maintien, cette fois, dans l’ordre éternel du productivisme ? Toujours est-il que la société civile n’est pas conviée dans ces observatoires, comme le déplore un membre des Amis de la Confédération paysanne (Astier et Rimbert, op. cit.).
De l’agribashing à l’écolo-bashing
La symétrie ne semble pas une considération importante pour le syndicalisme majoritaire ni pour les autorités détentrices de la force publique. Si, en effet, l’agribashing est pointé du doigt par le sommet de l’État, surveillé et puni par le ministère de l’Intérieur, et amplement dénoncé par la FNSEA, il n’en va pas de même lorsque cette dernière organise des manifestations avec dégradation de biens publics. On ne compte plus le nombre de manifestations violentes organisées par la FNSEA qui a développé, en la matière, un savoir-faire inégalé. La centrale syndicale peut déverser des tonnes de lisiers devant les préfectures, saccager des biens publics, envahir des institutions, sans que la police n’intervienne outre mesure ou que le ministère de l’intérieur n’en fasse le décompte précis.
Deux poids deux mesures : c’est le mode de justice qui est appliqué jusqu’à présent, laissant à penser que le clientélisme de l’État à l’égard de la FNSEA fonctionne à plein, en retour de la collaboration de certains membres de la profession qui ont accepté de sacrifier sa partie paysanne pour engager la modernisation capitaliste et industrielle de l’agriculture.
Comment expliquer sinon, la démesure des réactions et des sanctions vis-à-vis de la confédération paysanne et de la FNSEA ?
D’un côté, le démontage de quelques éléments de la salle de traite de la ferme-usine des Mille Vaches par des membres de la Confédération paysanne a donné lieu à une réaction immédiate et musclée : le porte-parole de ce syndicat s’est vu plaqué au sol, menotté et placé en garde à vue deux jours, et l’affaire a eu des suites judiciaires. Cinq militants ont été appelés à comparaitre pour dégradation et vol encourant des peines de prison et jusqu’à 375 000 euros d’amende (Binctin, 2014).
De l’autre, pas vu pas pris, ou presque. Le saccage de la Maison du Parc régional du Morvan en 2013, par quelques 150 agriculteurs, à l’appel de leur syndicat la FNSEA pour une « expédition punitive », a pu se faire assez « tranquillement » [40]. Armés de leurs 70 tracteurs, les manifestants ont pu pénétrer dans l’enceinte du site, creuser des tranchées dans les prairies humides, déverser des monceaux de lisier et de fumier, et mettre le feu à des tas de pneus et de paille. La gendarmerie, présente, était dans une posture de veille très placide ce jour-là. La raison de cette colère ? La concertation initiée par le Parc afin de contractualiser, avec des éleveurs volontaires, des aménagements permettant la protection des cours d’eau et des berges tout en laissant la possibilité aux troupeaux de s’y abreuver. Le directeur du parc, présent lors du saccage, a cherché à entamer le dialogue, en vain. Les manifestants ont suivi scrupuleusement le plan de bataille élaboré par le syndicat qui avait choisi son bouc émissaire pour déverser la colère d’éleveurs dont les difficultés, bien réelles, ne proviennent pas de la protection des cours d’eau du Morvan. La FNSEA ne sera pas inquiétée, au contraire. Elle obtiendra ce qu’elle recherchait, avec le recul du président du Parc qui demandera de lui-même à l’État de ne pas donner suite à l’enquête publique sur la restauration des cours d’eau dégradés du Sud Morvan.
Comment la FNSEA aurait-elle eu peur de s’attaquer à un Parc alors qu’elle avait déjà initié le saccage du bureau d’un ministre, celui bien sûr de l’Environnement en 1999 ? Il faut dire que la ministre de l’époque, Dominique Voynet, n’avait pas la sympathie du syndicalisme dominant [41], ce que ses adhérents le lui avaient exprimé sous forme d’injures lors de sa visite – imprudente – au salon de l’agriculture. Certes, les petits pois et la farine (d’origine française, on l’espère), qui ont été répandus, ne sont pas classés comme armes par destination. Mais on s’étonne quand même que des manifestants aient pu pénétrer ainsi dans le bureau d’une ministre en exercice. Et l’on s’étonne aussi que le saccage de ce bureau, (car farine et petits pois n’y suffisaient pas), accompagné de violences physiques sur des fonctionnaires du ministère, se soit soldé par la relaxe pour l’un et une amende symbolique de 1 500 euros pour les quatre autres contrevenants (Binctin, 2014).
En février 2020, alors même que la cellule de veille Demeter était en place, et sous le regard passif de la police, des adhérents de la FNSEA et des JA ont déversé insultes, poubelles et autres produits de la ferme France devant les locaux toulousains de l’association France nature environnement. Cette violence, qui ressemble à une tentative d’intimidation, s’exprime en réaction aux débats engagés sur la mise en place des zones de non-traitement aux pesticides aux abords des habitations.
La nature, elle aussi, gravement agressée par 70 ans d’une agriculture qui a cherché à « faire cracher la terre » en empoisonnant les sols, les rivières et la biodiversité, pourra-t-elle porter plainte et sera-t-elle entendue un jour par la justice comme en Équateur sur le principe d’une juridiction universelle ? [42] Verra-t-elle la mise en place d’une Cellule pour veiller sur son respect, empêcher les actes des fauteurs de troubles environnementaux et juger leurs responsables et meneurs ?
Pour l’heure, la cellule de veille Demeter est une nouvelle pierre à l’édifice de la criminalisation des mouvements écologistes. Elle participe à la mise en place d’un délit d’opinion et au renforcement d’un État qui surveille et punit ceux qui prétendent exercer leur droit d’expression critique. Pourra-t-on, dès lors, encore écrire sur l’agriculture industrielle, ses dégâts et ses limites, sans risquer d’être fiché ou pénalisé ?
Notes
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Yannick Sencébé est maîtresse de conférences en sociologie à AgroSup Dijon, CESAER.
Site : https://www2.dijon.inrae.fr/cesaer/membres/yannick-sencebe/
Pour citer cet article
Yannick Sencébé
« Agribashing. La (dis)qualification de la critique au temps de la transition agroécologique », Vocabulaire critique et spéculatif des transitions [En ligne],
mis en ligne le 08/06/2021, consulté le 21/11/2024. URL : https://vocabulairedestransitions.fr/article-13.