La part de l’arbre : mondes, promesses, alliances
Lucie Dupré
L’arbre est partout. On le célèbre, on le réclame, on l’affiche, on l’embrasse : sur nos emballages comme logo garant du respect de la nature, dans chaque profession de foi de campagne électorale, au programme de tant de festivals, à la une de nombreux numéros spéciaux de la presse quotidienne et hebdomadaire [1]. On lui fait une place en famille : on peut le parrainer, au même titre qu’un flamant rose, une ruche ou une poule ; on le plante à la naissance d’un enfant ou au départ d’un proche. Certes, la célébration de l’arbre ne date pas d’aujourd’hui. Le grand végétal pérenne a toujours été l’objet de cultes qui ont pris des formes singulières selon les cas. Certains furent plutôt intimes, gardés dans un entre-soi villageois qui n’appelait pas de médiatisation – bien au contraire. C’est parfois à l’arbre qu’on a confié ses espoirs et ses rêves, loin du regard savant et républicain qui souvent se moquait, voire condamnait, ces liens secrets. D’autres sont festifs et collectifs, comme les arbres de mai qui existent encore sous une forme renouvelée aujourd’hui. Radicalement différents, les républicains arbres de la liberté institués en l’an II et dont il reste encore dans certains villages quelques rares survivants. Mais si ce « mal aimé des botanistes » (Dumas, 2002, p. 112) revient en grâce et à grands bruits aujourd’hui, c’est comme promesse d’avenir, figure puissante d’une transition réussie qui voit converger tant d’attentes publiques. Sa présence dans nos quotidiens tient donc avant tout au fait que nous savons désormais tout ce que nous lui devons : « Ils peuvent nous sauver » (Sciama, 2019).
C’est moins la « société d’arbres » – c’est ainsi que Pierre Deffontaine désignait la forêt (Deffontaine, 1933, p. 12) –, qui a suscité dernièrement de nombreuses réflexions sur sa capacité à résister, à faire lutte à toutes les époques de l’histoire (Dupré, 2020 ; Vidalou, 2017) en tant qu’espace du retranchement (Hassoun, 1995) et de la contestation (Baticle et Hanus, 2018), que la figure de l’arbre en tant telle que je place au cœur de ce texte dans lequel je voudrais souligner l’ambigüité de l’éloge dont elle est aujourd’hui l’objet. Après avoir indiqué en quoi et pourquoi l’arbre est aujourd’hui considéré comme un « allié » dans nos existences carbonées, je reviendrai donc sur ceux que Bruno Sirven appelle « des arbres sans la forêt », c’est-à-dire des arbres plus ou moins isolés. Il sera principalement question de deux figures d’arbres vers lesquelles on se tourne avec un espoir non dépourvu de calcul : l’arbre champêtre (haies, bosquets, arbres paysans et alignements routiers) et l’arbre urbain. Si l’un et l’autre ont des qualités et des histoires singulières, ils se trouvent en tant qu’arbres pris dans une même tension : d’un côté, pour leurs si grands pouvoirs, ils sont partout célébrés haut et fort ; de l’autre, mais bien plus discrètement, ils apparaissent comme une entrave à la modernité rationalisante, un obstacle à l’accélération du monde et de nos modes de vie qui ne cessent de se dérober à la critique. La figure politique et scientifique de l’arbre et ses modes d’existence sont d’autant plus exemplaires du trouble qui gaine nos rapports au vivant que l’arbre fait partie d’un « peuple menacé » (Sciama, 2019). Comment donc peut-il exister dans une célébration minutieusement calculée, l’invitant à nous protéger de tous les périls d’un mode vie qui n’est pas remis en cause, et pour lequel il reste même encore souvent un obstacle ?
L’Arbre allié
Nous savons désormais, grâce à un ensemble robuste de travaux, que les arbres jouent un rôle vital pour les écosystèmes, la vie humaine et la survie de la planète. Nombreuses sont les recherches qui, toutes disciplines confondues, convergent vers le même constat étayé par toujours plus de chiffres : l’arbre est l’un de nos précieux « alliés », comme le titrait l’hebdomadaire Sciences & Vie en novembre 2019, reprenant une façon maintenant établie de réévaluer, en les rééquilibrant, nos liens au vivant. En tant qu’organisme biologique, il joue en effet plusieurs « rôles » [2] fondamentaux dans et pour les écosystèmes. Ces rôles sont tous d’autant plus précieux qu’ils renvoient à une capacité à compenser et tempérer, pour le dire vite, les conséquences de l’industrialisation et de l’artificialisation du vivant et des territoires. Listons-les rapidement à grands traits – j’y reviendrai plus en détail ensuite.
La première singularité de l’arbre est de stocker le carbone. Les économies capitalistes sont très fortement carbonées parce qu’elles sont basées sur des énergies fossiles, dont la combustion émet des gaz à effet de serres qui contribuent au réchauffement climatique. Chaque seconde, ce sont 180 000 tonnes de pétrole et 110 tonnes de charbon qui sont brûlées dans le monde (Sciama, 2019, p. 68). Le carbone est naturellement « séquestré » dans trois lieux menacés et fragilisés : les océans mais aussi les forêts et les sols par le biais de processus physiques et biologiques tels que la photosynthèse. Ainsi, « les arbres pourraient retirer de l’atmosphère les deux tiers de ce que nous avons rejeté. […]. Un chêne de 200 ans peut stocker 6 tonnes de Co2 dans son houppier, son tronc et ses feuilles », rappelle Yves Sciama (ibid., p. 69-70). Ensuite, l’arbre intervient de façon décisive dans le cycle de l’eau, en l’assainissant et la protégeant. On estime que 75 % des ressources en eau douce au niveau mondial proviennent d’une zone de captage boisée [3]. L’arbre est « à la source de la source » et joue un rôle en tant que « semeur et moissonneur de nuages » : il attire la pluie (Zürcher, 2016, p. 178). Mais ce n’est pas tout : il fertilise également les sols en produisant une matière organique abondante, diversifiée, régulière et naturelle, d’où son rôle agricole majeur. Enfin, il contribue à la biodiversité animale et végétale en accueillant dans ses branches ou à ses pieds, toutes formes de vie : des plus grandes et visibles comme les oiseaux aux plus minuscules et souterraines comme les bactéries, en passant par les champignons dont le rôle est aujourd’hui au centre de recherches de plus en plus nombreuses. Francis Martin, chercheur à l’Inrae de Nancy, en est l’un des spécialistes, qui observe « les alliances bénéfiques liant le peuple des arbres et la guilde des champignons. » (Martin, 2019, p. 21). À propos des arbres de la forêt du massif du Donon dans les Vosges, il écrit « chacun [d’eux] est plus qu’un. Ce sont des “arbres mondes” » [4]. Ils hébergent dans leur frondaison une myriade d’animaux. Sur leurs écorces s’incrustent des lichens et des mousses et, sur leurs racines, des champignons et des bactéries se multiplient en abondance (ibid., p. 11). Ils forment une communauté « holobionte », semblable au macrobiote intestinal, le peuple des bactéries de nos intestins. Même hors forêt, l’arbre n’est donc jamais vraiment « seul » : escorté de toutes ces autres formes de vie qu’il rend possibles et qui le fortifient, il est même souvent présenté, comme le fait Laurent Tillon, comme un modèle désirable de vie en société : inclusif, tolérant, coopératif, ouvert à tant de vies autres que la sienne (Tillon, 2021). Par son fonctionnement biologique, l’arbre offre également un autre modèle : celui d’une « fabrique idéale » [5] qui « s’approvisionne seule, assure sa propre maintenance, écoule ses stocks de matière autonome et n’abandonne aucun déchet » (Sirven, 2019, p. 122). C’est là un des premiers arguments qui plaide en faveur de l’arbre agricole dont je vais pointer quelques-uns des bienfaits aujourd’hui redécouverts.
L’arbre champêtre
« Les bois et les champs, la clairière et la forêt culturale ne sont pas deux mondes étrangers qui s’opposent et se combattent : mais ils forment une association » (Roupnel, 1977 [1932], p. 118). Ce que Roupnel disait de la forêt est vrai de la haie, du bosquet ou de l’arbre champêtre vers lesquels l’attention se tourne aujourd’hui avec espoir et intérêt.
Le premier intérêt de l’arbre agricole est son rôle fondamental dans la vie des sols : c’est le « maître des sols », véritable partenaire de leur fertilité dit Ernst Zürcher (2016, p. 179). Ce point fait d’autant plus consensus que la fertilité des sols est l’un des enjeux agronomiques majeurs aujourd’hui, après qu’ils ont été épuisés et lessivés, rendus parfois stériles par des décennies de pratiques culturales intensives. L’arbre contribue naturellement à leur fertilité, non seulement par son apport conséquent en matières organiques, mais aussi en faisant remonter de l’eau et à l’inverse, en drainant l’excès d’eau en surface. Mais pour y parvenir, l’arbre champêtre ne doit pas être trop isolé de ses congénères afin qu’ils puissent mutualiser leurs ressources, comme dans le cas des haies qui constituent une présence arbrée historiquement associée aux paysages agricoles.
Accueillant toutes formes de vie, les haies accueillent et favorisent la biodiversité. En hébergeant des animaux prédateurs (oiseaux, batraciens, insectes), elles permettent des régulations naturelles des ravageurs des récoltes ; en nourrissant et accueillant des abeilles, elles favorisent la pollinisation des cultures ; et lorsqu’elles sont suffisamment nombreuses dans les espaces ruraux, elles constituent également des « corridors écologiques », c’est-à-dire des espaces assurant une interconnexion entre différents milieux vitaux pour certaines espèces, elles-mêmes précieuses pour l’agriculture. Les haies jouent sur le micro-climat qui s’en trouve adouci et régulé, ce dont profitent les cultures. Et ce n’est pas tout : elles brisent les vents, offrent du bois, et jouent également un rôle important pour l’élevage – c’est une clôture vivante qui empêchait autrefois la divagation du bétail et affirmait la propriété privée. Enfin, isolé ou en bosquet, l’arbre ombrage les pâtures : les bêtes s’y regroupent à l’heure chaude, trouvant un tronc pour se gratter et un élément brisant la monotonie du paysage. Il constitue également une nourriture d’appoint qui équilibre et diversifie la ration alimentaire, voire sert d’auto-médicamentation au bétail.
Parmi les arbres champêtres, les trognes sont par excellence ceux qui condensent tous les bienfaits agricoles de l’arbre. Souvent appelé l’« arbre paysan », la trogne désigne un arbre taillé périodiquement à la même hauteur pour produire durablement du bois, du fourrage ou des fruits (Mansion, 2015, p. 6). Sa silhouette est des plus singulières : alors que son tronc est épais et massif, la taille régulière et forte de ses branches conduit l’arbre à produire une matière végétale et ligneuse toujours renouvelée. « Le concept même de trogne traduit cette vision totale de l’arbre qui sert à tout et dont on ne laisse rien perdre : branches, rameaux, fruits et feuillages, perches, fagots et brindilles, autant d’intérêts et de profits fournis par un unique capital fixe : des racines et un tronc » (Sirven, 2016, p. 154). Une trogne offre en effet des trésors : c’est une véritable « prairie aérienne », un « champ de feuilles » vers lequel se sont d’ailleurs tournés les éleveurs pour affourager leurs bêtes lors des grandes sécheresses de ces dernières années (Mansion, 2015). Elle donne du bois pour les piquets et le chauffage, et un terreau si riche qu’on l’appelle le « sang de la trogne », dont les jardiniers avertis viennent faire provision – avertis, les amateurs de bois rare le sont également, qui viennent discrètement piller les trognes pour de lucratives transactions dont l’ébénisterie de luxe raffole (ibid., p. 95).
La compréhension et la valorisation des synergies entre agriculture et arbres sont aujourd’hui au programme de l’agroforesterie, fortement développée dans les pays du Sud où elle renvoie à des pratiques anciennes dont le Nord s’inspire ou qu’il redécouvre (Michon, 2015). Pour autant, et c’est toute l’ambiguïté de cet éloge, il n’en reste pas moins que l’arbre a été, et est encore très souvent considéré comme un obstacle à l’« aménagement » de l’espace rural. Cela se traduit par ce que Bruno Sirven appelle le « désarbrement » des campagnes mais également des villes, comme on le verra.
L’arbre coupé
« L’avènement du pétrole a entériné cette séparation entre arbre et espace agricole, entre agriculture et sylviculture », estime Bruno Sirven (2016, p. 297). Celle-ci date d’un temps où l’homme « avait encore cette expérience avertie, engagée dans l’ordre sans calcul et sans fièvre des instincts » (Roupnel, 2017 [1932], p. 124). En effet, avant qu’il ne soit ainsi célébré par tous – ou presque – l’arbre s’est dressé devant une modernité en quête de rapidité des flux, passant par une rationalisation de l’espace, que cela concerne l’espace agricole ou le réseau routier.
Lorsque l’agriculture s’est modernisée dans les années 1960, l’outil principal d’aménagement foncier a été le remembrement, c’est-à-dire l’agrandissement des parcelles, leur géométrisation pour les rendre compatibles avec le passage d’engins toujours plus gros et plus rapides. Cela s’est traduit par l’arrachage de milliers de kilomètres de haies et d’arbres – chassant leurs petits habitants des plaines céréalières vers les forêts environnantes où ils ont parfois pu trouver refuge (Tillon, 2021). Les arbres n’ont pas seulement gêné comme obstacle physique à la rationalisation de l’espace. Samuel Perichon estime que les haies bocagères sont devenues moralement gênantes, comme « un héritage embarrassant pour des agriculteurs fascinés par le progrès » et particulièrement pour la nouvelle génération, bien décidée à se débarrasser de l’image négative de la profession de leur père (Perichon, 2004, p. 178). Faire disparaitre les haies a donc été le signe, sinon la preuve, ostentatoire de l’avènement d’un nouveau paysage agricole professionnel ouvert à la modernité et en rupture avec l’ancien monde paysan, désormais révolu. Depuis 1950, 70 % des haies, 750 000 kilomètres de haies vives ont été arrachées sous l’effet conjoint du remembrement agricole et du déclin de l’activité d’élevage au profit de la céréaliculture intensive. La politique en faveur de la préservation et du maintien des haies, compte-tenu des « services rendus par ces éléments bocagers » (JO, 2019), ne semble pas avoir enrayé la perte du linéaire bocager breton, qui a perdu 12 % entre 1996 et 2008, et 18 % en Ille-et-Vilaine (Agreste Bretagne 4, 2010).
L’arbre champêtre n’est pas seulement agricole : il est aussi arbre d’alignement bordant les routes et alors souvent propriété de l’État. L’histoire est ici encore ancienne. La plantation d’alignement a été encouragée dès le 16e siècle pour répondre aux besoins de l’armée et du secteur économique face à une pénurie de bois. Henri II ordonna ainsi aux seigneurs de planter dans tout le royaume des arbres le long des chemins publics. La Renaissance apportera la perspective et le souci du paysage auxquels les alignements contribuent, assurant les seigneurs d’un prestige certain tout en rappelant leur pouvoir. Au début du 19e siècle, les plantations deviennent une affaire d’État et jouent le rôle technique de stabilisation et d’assainissement de la chaussée. Elles constitueront un important patrimoine français, estimé à 3 millions d’arbres le long des 35 000 kilomètres de routes nationales françaises. C’est encore au tournant des années 1960 que tout bascule, avec le culte de la ligne droite. La restructuration du réseau routier français se traduit par l’élargissement des chaussées pour permettre l’écoulement du flux toujours plus dense et rapide des véhicules, occasionnant des travaux dont les arbres feront bien souvent les frais. Avec la généralisation de l’automobile, les accidents augmentent. Les arbres sont mis en cause. En 1985, sur les routes restant de la compétence nationale, on estime que 90 % des alignements ont disparu [6]. Le concept de la « route qui pardonne » fait aujourd’hui référence en matière de sécurité : c’est une route débarrassée de ses dangers, dont les arbres font désormais partie.
L’abattage des arbres fait toutefois débat : des associations se créent, réalisent des enquêtes ; des oppositions se font entendre, y compris chez les usagers de la route [7]. Tout en reconnaissant la complexité de la question, toutes ces voix soulignent que les causes des accidents, notamment les pratiques et les conduites au volant, sont très rarement évoquées (alcoolémie, fatigue, manque d’expérience, absence de ceinture, véhicule mal entretenu, excès de vitesse, etc.), évitant de poser la question du comportement humain. Car les arbres d’alignement ne sont peut-être pas aussi meurtriers : les arguments en leur faveur, lorsque bien implantés et correctement entretenus, ne manquent pas. Mieux, outre la beauté du paysage qu’ils offrent, ils contribueraient même à la sécurité routière, renvoyant en cela à une de leur « fonction » historique : en guidant le conducteur lorsque la visibilité chute ou encore en stimulant sa vigilance dans la mesure où la haie décuple la sensation de vitesse. Plus encore, l’arbre « remplirait le rôle de toute une technologie aujourd’hui embarquée dans l’habitacle des véhicules : climatisation et vitres teintées » (Sirven, 2016, p. 362). C’est le concept de « la route qui apaise » : l’arbre protège contre le vent, la forte luminosité, le manque de visibilité. Le développement du réseau routier s’est doublé de la construction de nombreux autres réseaux (d’eau, d’électricité, de gaz, etc.) entretenus par l’État mais aussi par les différents opérateurs privés. Leur extension et modernisation [8] les a mis en co-présence (et souvent en concurrence) avec les réseaux aériens et souterrains des arbres, qui n’en sont pas toujours sortis debout.
L’arbre urbain
L’arbre apparait encore plus nécessaire en ville où son action en matière de dépollution de l’air et de régulation des températures est et sera plus que jamais essentielle. D’ici 2030, l’espace urbain aura triplé par rapport à l’an 2000 (Seto et al., 2012) : c’est peu dire que l’on aura besoin d’eux. Les mairies s’empressent donc de faire des promesses d’arbres dans leurs campagnes électorales urbaines. L’arbre urbain s’affiche et se revendique si fort que d’aucuns s’interrogent sur sa place. Pourtant, celle-ci ne va pas de soi. Comme le résume Bruno Sirven, en ville, ce dernier doit résister à « un univers (sol et atmosphère) plus pollué et plus sec (l’eau est évacuée par les réseaux d’assainissement), plus chaud (la chaleur est stockée et réémise), et plus lumineux (par l’éclairage nocturne). Le sol est rare, compact et imperméable, asphyxié et infertile, et privé de la litière des feuilles mortes. L’eau qui arrive aux racines est souillée et transporte des substances nocives : sels de déneigement, huiles et hydrocarbures, solutions phytosanitaires. » (Sirven, 2016, p. 372-373). Pour Inès Méliani et Paul Arnould, on est devant une sorte de rapt où l’arbre, arraché à son territoire d’origine, aurait été déplacé et tenu prisonnier dans un milieu qui n’est pas le sien, pour servir les intérêts de ses geôliers (Méliani et Arnould 2016, p. 2).
Et de rappeler, prenant l’exemple de Lyon, que l’implantation d’arbres renvoie depuis longtemps à un intérêt particulier bien précis servant une classe sociale privilégiée : « depuis le XVIIe siècle, l’arbre est le sujet et le serviteur des villes pour leur embellissement » (Ibid., p. 7), marque de prestige de certains lieux de pouvoir (monastère, lieux culturels). Le prestige de quelques-uns se transformant en un souhait de « bien-être » des villes et de leurs populations, l’arbre est aujourd’hui au cœur de tout projet urbain.
Mais ce désir d’arbres porte avec lui toutes les ambiguïtés de la figure d’un arbre politiquement correct, mais une fois encore gênant. En effet, de la même façon que leurs homologues champêtres, les arbres en ville ont fait et font encore les frais des aménagements conduits au nom d’une gestion des flux, d’un accès au logement, d’une sécurisation des biens et des personnes. Certains ont été épargnés, sauvés par leurs « droits » à rester debout s’ils sont remarquables ou situés dans un périmètre protégé – ou lorsque leur destruction aurait été particulièrement remarquée. Il en va ainsi du cèdre parisien épargné par Jean Nouvel, boulevard Raspail, lors de la construction de la nouvelle Fondation Cartier en 1994, et qui ombrageait le site. L’arbre en question avait été offert à madame de Chateaubriand « par la belle Joséphine de Beauharnais » (Boyer, 1996, p. 46). Affaibli par les sécheresses répétées, le cèdre a dû être abattu en 2020 – alors que l’exposition « Nous les arbres » de la Fondation venait d’être prolongée. Mais pour quelques-uns sauvés sous l’œil des caméras, tant d’autres, moins prestigieux, plus ordinaires sont chaque jour coupés au nom d’un aménagement rationnel de l’espace urbain, permettant la construction d’un lotissement, l’extension d’un parking ou d’un centre commercial. Ici les platanes de la Plaine à Marseille [9] ; là, les arbres de la liberté dont il ne reste que « quelques-uns des 60 milles qui ont été plantés lors de la Révolution sur les places des villages, qu’on a fait disparaitre parce qu’ils “gênaient” » (Boyer, 1996, p. 12). À chaque fois – ou bien souvent – on s’engage « à replanter ». Mais est-il possible de remplacer un arbre, ce « symbole du cosmos », que « n’importe qui [10] armé d’une tronçonneuse est capable d’anéantir en une demi-heure » se demande Francis Hallé (1999, p. 36) ?
L’arbre remplacé
Les pouvoirs publics s’engagent souvent vertueusement à « replanter » tout arbre abattu par nécessité publique, affichant ainsi, dans une comptabilité irréprochable, la volonté de combiner aménagement urbain rationnel et compagnie végétale raisonnée. Le couple destruction/replantation ne va toutefois pas sans poser plusieurs questions. On y retrouve à petite échelle, le principe de la compensation écologique, un instrument juridique ancien mais peu utilisé jusque récemment. La compensation écologique consiste à « protéger des espaces naturels, restaurer, valoriser ou gérer dans la durée des habitats naturels ailleurs pour compenser des dommages commis lors de travaux estimés “inévitables” ». Vincent Devictor en a montré la grande complexité dans la mesure où elle vise à « concilier deux rationalités souvent conflictuelles » : « celle de gestion et d’administration d’un territoire » et la rationalité naturaliste préoccupée par le recul des espaces et la protection des espèces » (Devictor, 2018, p. 137).
Comparé aux écosystèmes, le cas de l’arbre est certes un peu singulier. Sans entrer dans sa grande complexité écologique, l’idée de « remplacement » reste ici centrale dans les limites qu’on peut dégager à ce genre d’équations. Tout d’abord, comment imaginer pouvoir remplacer une si vaste étendue qui d’une certaine façon fait à elle seule écosystème ? En la matière, l’arbre bat un record inattendu, comme le pointe Francis Hallé : celui de sa « surface d’échange » qui lui confère justement ces propriétés devenues si intéressantes aujourd’hui pour la ville. Il occupe en effet une place immense, même dressé là sur un trottoir sans histoire. Le botaniste estime ainsi « la surface d’un arbre banal, tel qu’on en trouve dans nos villes à deux cent hectares. Si vous le développez entièrement, il va recouvrir toute la superficie de Monaco » (Hallé, 2005, p. 18). Cette seule indication incite à réfléchir à la vie banale d’un arbre banal dans une ville ordinaire qui rend pourtant tant de « services » présentés par tous comme extraordinaires et particulièrement nécessaires aujourd’hui. Elle conduit à plusieurs interrogations. Celle du temps que l’arbre a mis à développer sans bruit ses 200 hectares de matière vivante dont on tire largement profit. Or, quel est le meilleur moment pour planter un arbre ? Réponse : 20 ans plus tôt [11].
À cette question du temps, s’ajoute celle du travail de replantation des arbres, engagée par des services techniques pas toujours formés, et qui demande des travaux généralement importants pour des « résultats » limités. Une étude américaine a suivi et comparé le développement des arbres de la ville de Boston et ceux de la forêt de Harvard, à Petersham dans le Massachussetts, une forêt proche de la ville. Dans leur article au titre sans équivoque « Vivre vite, mourir jeune : croissance accélérée, mortalité et renouvellement des arbres urbains » [12], Smith et ses collèges montrent que les arbres urbains sont soumis à de grands stress qui les fragilisent : un arbre urbain grandit quatre fois plus vite et meurt deux fois plus qu’un arbre forestier.
Une fois qu’un arbre rural et forestier a développé sa canopée, le risque annuel de mortalité diminue considérablement […] tandis que les arbres urbains sont confrontés à de nouveaux risques liés leur grande taille, tels que la limitation de l’espace racinaire, l’élagage excessif et l’abattage […] En revanche, les arbres ruraux à croissance plus lente ont généralement un coût carbone lié à leur entretien beaucoup plus faible. […] De ce fait, poursuivent les auteurs, le coût carbone associé à la production de plants, la plantation, l’irrigation, la taille, l’abattage et le recyclage des arbres est élevé. Les arbres urbains doivent survivre plusieurs décennies (26-33 ans) pour atteindre la neutralité carbone. » (Smith et al., 2019, p. 2 et p. 17)
Or les individus récemment plantés n’ont qu’une bien faible espérance de vie, étant donné les nombreux stress auxquels ils doivent faire face.
Du point de vue de la seule comptabilité carbonée, la formule compensatoire couper/replanter atteint donc ses limites dès lors qu’on en examine attentivement les termes. Or, même si je ne l’ai volontairement pas utilisé jusqu’ici, le langage écologico-managerial est aujourd’hui dominant pour décrire, classer et évaluer les bienfaits de l’arbre. Il se décline en termes de « services » contribuant au « bien-être humain », selon la nomenclature établie par le Millénium Ecosystem Assessment, le rapport mondial d’évaluation des services éco-systémiques (MEA 2005). Cette façon d’évoquer le rôle des vivants non humains est désormais courante au point qu’elle semble constituer le seul langage possible à même de convaincre les décideurs. Ainsi, selon le projet Ibis [13], l’arbre contribue à un service « d’auto-entretien » (fertilité des sols, pollinisation, préservation de la ressource en eau, préservation de la diversité biologique) ; à un « service de prélèvements » (bois de chauffage, d’œuvre, etc.), service de « régulation » (contrôle des bio-agresseurs, régulation du micro climat, qualité de l’eau, stockage du carbone) et à des services « culturels » (paysage, loisirs) (Ibis, 2016). À l’appui de ces fonctions, un travail de quantification économique se précise visant à chiffrer ce que « rapporte » un arbre à la société. Certes, savoir par exemple qu’ « un chêne de 200 ans peut stocker 6 tonnes de CO2 dans son houppier, son tronc et ses feuilles » (Sciama, 2019, p. 70) n’est pas complètement inutile en tant que cela permet de prendre connaissance d’éléments simples et frappants. Mais s’y limiter conduit à quelques dangers. Outre la critique d’une marchandisation de la nature (Maris, 2014), une telle quantification a en effet les limites de tout système économique instituant un standard par définition facilement substituable et échangeable, qui peut dès lors circuler sur un marché [14]. Comme le pointent Xavier Arnauld de Sartre et Isabelle Doussan,
cette intégration de la nature dans le monde économique suit les logiques de standardisation du nouvel esprit du capitalisme. Certes, ce n’est pas la tant redoutée « marchandisation de la nature » qui a lieu, mais une opération de standardisation / déplacement / substitution qui doit permettre de gérer, par une gouvernance peu régulée, les impacts des activités humaines sur l’environnement » (Arnauld de Sartre et Doussan, 2018, p. 134)
De fait, l’idée de la compensation s’accompagne d’un système d’équivalence entre êtres vivants qui, par une grande avenue absolument dégagée, pourrait conduire à ne considérer l’arbre que comme un « actif parmi d’autres » – fut-il écologique – pour reprendre la formule d’Anna Tsing (2016), à réduire cette masse de vie complexe et prodigieuse à un simple bilan de flux quantifiés, et qui n’aurait de valeur qu’indexée à nos propres intérêts et au cours du marché carbone européen ou mondial. Plus encore, l’idée même que tout arbre puisse être remplacé ne pourrait-il pas ouvrir la porte à sa maltraitance organisée et institutionnalisée, à son intégration dans un marché international des droits à « désarbrer » toujours plus – sans parler de la malforestation croissante qui fait grandir des forêts monospécifiques pour alimenter la filière bois énergie, qui produit des arbres de Noël à grand renfort de chimie (mais vertueusement recyclés dans les villes) et autorise des coupes rases comme dans le Morvan où un bras de fer s’est joué récemment entre le PNR qui s’y est opposé et la Région qui les a autorisées [15]. Enfin, n’est-il pas tout simplement dangereux de penser qu’un arbre puisse être « remplacé » aussi simplement qu’on change une ampoule ou qu’on déplace un banc public devenu gênant – et encore, le banc public constitue probablement lui aussi un petit écosystème [16]. Car abattre un arbre, c’est aussi rompre toutes ces alliances visibles et invisibles, furtives ou durables, mépriser ces attachements minuscules patiemment et solidement tissés qui font que la vie s’y est installée ; mettre à terre les déclarations secrètes et les confidences tracées à la pointe d’un compas ; effacer un repère dans l’espace au pied duquel on laisse ou fait venir fleurs et plantes de passage et qui apporte tout simplement réconfort et émotion, supprimer un relais météo qui annonce l’automne, faire tomber un appui contre lequel on adosse un vélo, une ombre offerte sans contrepartie dans une promenade. Il est à craindre que les larmes d’Idéfix soient intarissables.
Demander aux arbres de nous « sauver », de nous rendre « service » – ce qui curieusement laisse entendre qu’ils nous devraient quelque chose – n’est-il pas donc une façon de les enrôler dans ce capitalisme vert, dont ils viennent tempérer, en y perdant parfois la vie, certaines des conséquences les plus alarmantes, mais sans remettre en cause le caractère « inévitable » des choix passés, actuels et futurs qui nous conduisent à les abattre ? Plus encore, ne serait-ce pas là une façon d’éviter soigneusement de nous confronter avec ce à quoi les arbres nous invitent pourtant : la nécessité de ralentir nos existences et de sortir de l’individualisme, d’aller vers une vie « décarbonée », ouverte aux autres, plus attentive à ceux dont la vie a bien d’autres valeurs que nos propres besoins et intérêts. Il ne s’agit probablement pas de trop demander aux arbres, mais plutôt de leur accorder trop peu : trop peu de droits, trop peu de place et de soutien, trop peu d’attention également. Voilà pourquoi nous ne remarquons pas toujours qu’ils sont les premières victimes du réchauffement climatique [17] et de la pollution qu’on leur demande avec tant d’espoir de tempérer pour que nous puissions continuer à vivre comme avant. Ainsi, « faire appel aux arbres », comme le recommande Ernst Zürcher au terme de son livre ne peut se faire sans une révision profonde de la place qu’on leur réserve aujourd’hui (Zürcher, 2016, p. 225). Car « sans les arbres », estime Francis Hallé, « nous ne serions pas [devenus] des êtres humains » (Hallé, 2011, p. 42) ; sans les arbres, nous ne le resterons peut-être pas longtemps. La célébration actuelle de l’arbre et ses ambigüités laissent ainsi penser que nous n’en avons pas tiré toutes les leçons qui s’imposent. C’est du moins ce qu’en conclut le personnage du juge, qui dans le roman de Richard Powers, se trouve face à des activistes forestiers : « C’est peut-être le grand projet de l’humanité que d’apprendre ce que les forêts ont compris » (Powers, 2015, p. 428).
Notes
Bibliographie
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Lucie Dupré est chargée de recherches en anthropologie à l’INRAE, CESAER. Elle s’intéresse à la façon dont les mondes agricoles se transforment et se redéfinissent en pratiques et en discours face aux incertitudes, aléas et tensions auxquels ils doivent faire face (dégradation des conditions de travail, affaiblissement démographique, pressions économiques fortes, difficultés d’accès au foncier, raréfaction et/ou dégradation des ressources naturelles, aléas et réchauffement climatiques, érosion de la biodiversité, etc.).
Site : https://www2.dijon.inrae.fr/cesaer/membres/lucie-dupre/
Pour citer cet article
Lucie Dupré
« Arbres. La part de l’arbre : mondes, promesses, alliances », Vocabulaire critique et spéculatif des transitions [En ligne],
mis en ligne le 08/06/2021, consulté le 06/10/2024. URL : https://vocabulairedestransitions.fr/article-14.